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Projet Pilote « Parc Naturel Régional de Bouhachem »

2006

Projet Pilote « Parc Naturel Régional de Bouhachem »

Dans le cadre de l’accord-cadre de coopération avec la Région Provence Alpes Côte d’Azur, la Région Tanger-Tétouan a décidé d’initier une démarche de développement local sur le territoire rural de Jbel Bouhachem. Ce territoire a été choisi pour sa fragilité et son patrimoine naturel et culturel remarquable. Cette démarche, expérimentale au Maroc, est inspirée de celle mise en œuvre pour créer un Parc Naturel Régional en France.
Le Parc Naturel Régional du Luberon, de part son exemple de réussite, a été chargé d’apporter un appui méthodologique et technique pour la mise en place de ce projet.

Le Parc Naturel Régional : un nouveau concept qui a sa place au Maroc

Au Maroc, les formes juridiques de protection d’un espace sont limitées et « leur application ne satisfait pas souvent aux objectifs qui leur sont attribués ». Pour les monuments et sites historiques, il existe le classement et pour les espaces naturels il y a les Parc Nationaux depuis 1934 (sans compter les réserves permanentes de chasse qui malheureusement sont souvent laissées à l’abandon).
Les Parc Nationaux sont créés à l’initiative du Directeur des Eaux et Forêts sur des espaces naturels fragiles remarquables et de préférence inhabités (sauf exception). Ils ont pour vocation principale la préservation ou la reconstitution de la faune et de la flore à l’intérieur du Parc. Tout acte de nature à entraîner des modifications du milieu y est interdit sauf autorisation de l’administration des Eaux et Forêts.
En 1995, la mission d’étude pour l’élaboration d’un plan directeur des aires protégées du Maroc a attiré l’attention sur l’état « limite » de certains Parcs Nationaux marocains avec des niveaux d’extraction des ressources naturelles élevés dus à la présence de populations vivant dans et de cet espace. Elle préconisait alors de s’inspirer des parcs naturels régionaux existant en Europe concernant leur démarche de concertation et les systèmes de charte. La régionalisation n’étant pas encore en place à cette époque, cette idée n’eu pas beaucoup d’échos auprès de l’administration forestière.

Aujourd’hui, la région existe et a des compétences en matière d’aménagement du territoire, de protection de l’environnement, de développement économique et social. Il devient donc possible de s’appuyer sur cette nouvelle institution pour faire émerger un nouveau mode de gestion durable des ressources naturelles et de développement des territoires au Maroc, qu’on appelle Parc Régional.

En s’inspirant de l’expérience française, on peut définir un Parc Naturel Régional comme :
• un territoire rural fragile, reconnu au niveau national pour son patrimoine remarquable ;
• un territoire géré à travers une charte. Elle est élaborée en concertation (élus, socio-professionnels, services de l’Etat, citoyens...) et définit, sur 10 ans renouvelable, les orientations de gestion et le cadre d’intervention,
• un territoire qui permet le développement socio-économique de ses habitants et la protection de son patrimoine naturel et culturel
• un territoire dans lequel les partenaires (communes, région, provinces, Etat, ONG) s’engagent volontairement à appliquer la Charte

Seules les collectivités adhérentes à la charte constituent le territoire du Parc

Sa vocation est de protéger et faire vivre le patrimoine naturel, culturel et humain de son territoire, en mettant en œuvre une politique innovante d’aménagement et de développement économique, social et culturel, respectueuse de l’environnement.
Les actions d’un Parc Régional définies dans la charte sont mises en oeuvre par un organisme de gestion autonome (dont les statuts sont en cours de détermination) qui possède une équipe technique pluridisciplinaire propre.

Exemples d’actions possibles dans le cadre d’un Parc Naturel Régional, à titre indicatif :

Vocations possibles Actions envisageables

Soutien et valorisation des activités économiques -Soutien à l’agriculture durable : mise en place de mesures de lutte contre l’érosion avec les services agricoles
 Soutien des filières de produits agricoles ou artisanaux et mise en place d’un label de qualité
 Elaboration d’une offre touristique respectueuse de l’environnement naturel et humain
 Appui à de nouvelles activités
 Aide au développement et maintien des services communaux, des infrastructures et du commerce en milieu rural
Aménagement du territoire -Aide à l’élaboration de schémas d’aménagement communaux sur le territoire du Parc Naturel Régional, de plan de développement des centres, avec les agences urbaines
Protection des richesses naturelles et des paysages -Recherche scientifique
 Mise en place de mesures contractuelles de protection
 Gestion concertée des ressources naturelles, avec les services forestiers

Mise en valeur et animation du patrimoine culturel -Inventaire et restauration du patrimoine architectural
 Exposition permanente et temporaire sur les traditions, mode de vie et savoir-faire (Ecomusée...)
 Animation des villes-portes ou centres de communes par l’organisation de fêtes ou manifestations musicales, théâtrales...
Accueil, information, sensibilisation au patrimoine -Création de point d’accueil et d’information du public
 Mise en place d’activités de découverte et de loisirs de pleine nature
 Organisation de sorties éducatives pour les jeunes
 Mise en place de programme pour l’éducation à l’environnement dans les écoles du Parc

Cette organisation qui regroupe plusieurs communes rurales permet :
  d’avoir sur le long terme une vision globale et non plus sectorielle du territoire pour permettre un aménagement plus fin et cohérent du territoire
  d’apporter une assistance technique aux communes rurales : les communes, en adhérant au Parc, peuvent bénéficier de son équipe pluridisciplinaire
  de favoriser la mise en place des services intercommunaux, le Parc regroupant plusieurs communes rurales autour d’un projet commun de développement.

Elle renforce en outre les compétences et la légitimité de l’institution régionale, dans le cadre du processus de régionalisation au Maroc, en marche depuis 1997. Le projet de Parc Régional est novateur au Maroc et seule une institution nouvelle telle que la région peut être à la base de cette initiative.

Le Territoire du Parc Naturel Régional de Bouhachem

Localisation de la zone d’étude dans la Région Tanger- Tétouan

Climat : méditerranéen humide
Le massif forestier de Bouhachem avec des précipitations pouvant atteindre 2000 mm est une des zones les plus arrosées du Maroc et présente des conditions écologiques très favorables aux essences forestières telles que le chêne zène et le chêne liège.
Caractéristiques physiques :
La montagne de Bouhachem appartient à la chaîne numidienne de grès avec à la base des flyschs marno-gréseux très sensibles à l’érosion. Les fortes pluies, les défrichements et la fragilité des sols concourent à une érosion croissante des terres et par conséquent à leur appauvrissement.
Caractéristiques socio-économiques :
Taux d’analphabétisme important, enclavement de la zone, électrification de moins de 10% des douars, économie agricole traditionnelle diversifiée (céréales, maraîchages, fruitiers, huile d’olive, miel, élevage) mais qui tend à se convertir à la monoculture du cannabis.

Des patrimoines riches mais fragiles

Le SIBE de Bouhachem : au cœur du territoire une richesse naturelle d’exception à préserver
La montagne « jbel Bouhachem » constitue un patrimoine naturel riche mais menacé par une déforestation croissante essentiellement due aux incendies et aux défrichements. Elle a été identifiée comme un Site d’Intérêt Bio-Ecologique (SIBE) de priorité 1, en 1995, lors de l’inventaire sur les aires naturelles à protéger au Maroc du Ministère des Eaux et Forêts. D’une superficie de 8 000 ha ce SIBE en forme de vaste demi-cercle représente le cœur du Parc.
Il renferme des formations forestières parmi les plus belles du Maroc à biodiversité floristique élevée : Zenaie (Quercus faginea), Tauzaie (Quercus Pyrenaica), Suberaie (Quercus suber), Pinède (Pinus pinaster ssp maghrebiana), Cedraie (Cedrus atlantica). On note aussi la présence de nombreuses tourbières à l’intérieur du site.
34 espèces de mammifères ont été rencontrées dont 2 ont déjà disparu (Panthère et Hyène). Parmi elles, 11 espèces sont endémiques, rares ou menacées (Magot, Grande Noctule, Pachyure étrusque, Porc-épic, Loutre, Genette, Mangouste icheumon...).
91 espèces d’oiseaux nichent dans les limites strictes du site et 8 dans les environs, dont 32 espèces sont endémiques, rares ou menacées (Milan royal, Aigle royal, Faucon pèlerin, Hibou grand duc, Choucas des tours...)
29 espèces de reptiles sont connues dans le site et ses environs. Le site est très riche en amphibiens puisque l’on y trouve 9 des 11 espèces marocaines. 6 espèces sont endémiques au Maroc.
Cette richesse faunistique a fait des alentours du SIBE une zone privilégiée de chasse.
Des plans d’aménagement et de gestion pour les forêts de l’ensemble de la zone vont être élaborés une fois la délimitation définitive achevée. L’équipe du Parc Régional pourrait accompagner les services forestiers dans ces tâches lourdes et complexes. Il s’agirait alors de trouver un compromis entre les besoins des populations riveraines de ces forêts et le maintien de cette richesse naturelle.

Le pays Jbala : un patrimoine culturel en disparition
Trois tribus appartenant au groupe ethnique des Jbala se partagent le territoire d’étude de Bouhachem : les Laghmas Soufla (communes de Laghdir, Tanakoub, Dardara), les Beni Aarouss (commune de Tazrout), les Beni Hassan (communes de Beni Leit et Al ouad).
Les Jbala (littéralement montagnards), arabophones, se distinguent ou bien se distinguaient des autres groupes ethniques du Maroc et même du Rif par leur habillement (djellab, chechiya, mendil, kurziya...), leurs particularités linguistiques, leurs techniques architecturales (maison à toit à double pente, galerie, cour...), leurs pratiques agricoles (rotation biennale de céréales, gardiennage collectif des troupeaux, techniques de transformation des produits agricoles), leurs outils (moulin à bielle, joug de cornes...) etc...
Toutefois, la plupart de ces spécificités tendent à disparaître...
La zone de Bouhachem, possède aussi un patrimoine historique et religieux d’importance.
Comme en témoigne encore les nombreuses Zaouïas et mausolées présents, dont le plus connu le sanctuaire de Moulay Abdeslam (commune rurale de Tazrout) fait encore l’objet de nombreux pèlerinages chaque année, Bouhachem a été une zone de rayonnement des savants soufis au 16ième siècle. Autrefois haut lieu d’apprentissage religieux, aujourd’hui les zaouïas ont perdu beaucoup de leur rôle et peu sont encore réellement en fonction.
L’histoire moderne du Nord du Maroc est très liée aux événements qui ont eu lieu dans cette zone. En effet, les Jbala considérés comme des « rebelles » ont gagné leur réputation en s’opposant tour à tour à l’occupation portugaise en 1578 puis aux espagnols au début du XXième siècle, sous le commandement respectif de Mohamed ben Ali ibn Raissoun et Ahmed Raissouni, tout deux originaires du village de Tazrout.

Une meilleure connaissance de ce patrimoine culturel, la recherche de ses possibilités d’adaptation avec les besoins actuels de la population (habitat, techniques agricoles) ainsi que la recherche de sa valorisation économique (label qualité, éco-tourisme...) ou de sa restauration (patrimoine bâti) peut contribuer à sa sauvegarde.

Les différentes étapes du projet

Phase 1 : L’étude de faisabilité du projet (2001-2002)

 délimitation du territoire du projet de Parc Naturel Régional de Bouhachem (cohérence géographique, économique, sociale ou culturelle)
 identification des axes prioritaires de développement durable
 identification du patrimoine culturel et naturel remarquable du territoire
 mobilisation des différents acteurs autour de ce projet
 proposition de missions du Parc
 mise en place d’organes de suivi et de soutien au projet : Constitution d’une association de soutien, Création d’un comité de pilotage, Mise en place de groupes de travail thématiques

Phase 2 : Elaboration de la Charte du territoire et réalisation de microprojets illustrant la démarche du Parc (depuis 2003)

 déterminer les vocations des différentes zones
 définir les orientations et les objectifs du parc
 définir un programme d’actions pluriannuel et les moyens nécessaires à sa réalisation
 déterminer les statuts et le mode de fonctionnement de l’organe de gestion du futur Parc
 initier la mise en place d’un cadre juridique pour la création des Parcs Naturels Régionaux au Maroc
 mettre en place un conseil scientifique
 mobiliser différents partenaires et acteurs (universités, administrations...) afin de compléter le recensement du patrimoine culturel et naturel du territoire

Phase 3 : Création de l’organisme de gestion

 adhésion volontaire des collectivités locales, des services de l’état, des associations à la charte du Parc
 mise en œuvre de la charte et recrutement d’une équipe
 création de l’organe de gestion et mise en oeuvre du programme d’action : microprojets dans chanque commune rurale ( adduction en eau potable, construction de ponts...) ; appuis techniques des association locales du territoire (recherches de financement et aide au montage de projets) sur différents thèmes ( tourisme rural, amélioration des conditions scolaires, éducation à l’environnement...)

Une équipe de travail pluridisciplinaire :
Une fonctionnaire de la Région Tanger-Tétouan, ingénieur agronome et coordinatrice du projet.
Deux volontaires de la région PACA, ingénieur en environnement et ingénieur-maître en aménagement du territoire.

Les Partenaires actuels de la Région Tanger-Tétouan :
La Région PACA et le Parc Naturel Régional du Luberon (accord cadre de coopération)
L’Association Française des Volontaires du Progrès (accord de partenariat avec la région PACA pour l’envoi de volontaires convention opérationnelle en cours avec la Région Tanger Tétouan)
Ministère Chargé des Eaux et Forêts -DREF du RIF (convention avec la région Tanger Tétouan).

Les autres organismes concernés :
Ministère de l’aménagement du territoire, environnement, urbanisme et habitat - Inspection régionale de Tanger-Tétouan / Agence urbaine de Tétouan
La Wilaya de Tanger-Tétouan et les Provinces de Chefchaouen, Tétouan et Larache
Les communes rurales de Dardara, Tanakoub, Laghdir, Beni Leit, Al Ouad, Tazrout
Ministère de l’agriculture - DPA de Tétouan, Chefchaouen, Larache

Les associations nationales, régionales ou locales de développement.
L’agence pour la promotion et le développement économique et social des préfectures et provinces du Nord du Royaume
Les universités et écoles supérieures.

 l’équipe est composée d’une fonctionnaire de la Région Tanger-Tétouan, ingénieur agronome et d’une volontaire de la région PACA, ingénieur en environnement.

coordonnée:Aline Dagnino

Volontaire pour la Coopération en Méditerranée
Ingénieur environnement
Projet Parc Naturel Régional Bouhachem
Bureau : Province de Chefchaouen
( : 039 98 91 07
Email : pnrbouhachem@yahoo.com