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Lutte contre les déchets en ville

2006, par Najib Bachiri

Késako ?

L’industrialisation et la société de consommation ont entraîné une diversification et une multiplication des déchets. Il y a déchet et déchet. On distingue les déchets solides et les déchets liquides (eaux usées). Les déchets solides se déclinent en déchets domestiques, hospitaliers, industriels, matériaux de construction... , qui offrent chacun un menu différent de nuisances et pollutions.

Une place toute particulière doit être faite au sac plastique noir, qui aura dans peu recouvert toute la beauté du Maroc. Ce sac a beaucoup de succès comme camouflant les achats effectués dans ce pays où la disparité sociale est forte. Dans le cas de Berkane, les marchandises sont moins chères dans la proche enclave espagnole de Mellilia et les gens en reviennent avec des brassées de sacs plastiques noirs...

Pour endiguer cette marée, l’association propose de réhabiliter le panier, ce qui aurait aussi comme avantage de soutenir un artisanat jadis
florissant. en tant que président je suggère également d’envoyer les militaires faire des campagnes... de nettoyage. Il serait idéal que l’inventeur du pistolet désintégrateur de plastique fera la plus grande fortune de l’histoire.

A Berkane, où il n’y a pas d’industrie, les déchets sont surtout domestiques (organiques et plastiques). Les 90.000 habitants de la ville produisent chaque jour plus de 60 tonnes de déchets solides.

Comme partout, la surabondance des déchets domestiques provient d’un changement du comportement des gens vers une consommation rapide des objets (d’ailleurs parfois conçus pour une utilisation unique, le qualificatif « jetable » étant un argument de vente !) conjugué à un changement de la composition des produits désormais faits de matériaux persistants (le plastique au lieu de l’osier, par exemple).

Des détritus à tous les coins de rue

Un manque « d’éducation environnementale »

Les détritus envahissent les villes depuis quelques décennies. Les gens jettent systématiquement dans la rue ce dont ils ne veulent plus. Les quelques 6.000 vendeurs ambulants, dont les charrettes sont chargées des marchandises les plus diverses ne sont pas en reste : croyez-vous qu’ils emportent leurs détritus quand ils repartent ? Il y a 50 points noirs à Berkane. Des rues sont obstruées par les déchets.

Ce comportement est contradictoire avec le grand soucis qu’ont les Marocains de la propreté de leur domicile, dans un pays où la poussière s’infiltre par tout. On peut l’expliquer par le fait que les gens ne se sentent pas responsable à l’extérieur de chez eux.

Le concept de civisme est encore flou et l’augmentation de la population urbaine suite à la croissance démographique et à l’exode rural a entraîné une individualisation croissante. Dans le cas de Berkane, 50.000 saisonniers viennent augmenter la population chaque année pour la cueillette des oranges.

Chacun déplore la saleté des villes et le plastique dans les campagnes, mais y participe ! Il faut sensibiliser à une gestion participative de l’environnement par des campagnes sur la responsabilité de chacun dans le comportement collectif : « ma ville est propre grâce à moi, ma ville est sale à cause de moi » (panneau existant).

L’association propose en outre la création d’une équipe d’intervenants verts. Cette équipe mixte sensibiliserait la population (les femmes pouvant pénétrer dans les maisons) et agirait au besoin de manière coercitive en ayant la capacité de verbaliser les contraventions aux dispositions existant en matière environnementale.

Il existe en effet des dispositions légales sanctionnant celui qui sort sa poubelle après le passage des bennes ou qui les dépose dans une aire publique. Il conviendrait alors de revoir le montant des pénalités : l’amende pour gaspillage d’eau est de 5 dirhams (0,5 euros).

Mais ce comportement n’explique pas tout. Si d’un côté les gens jettent, de l’autre les services municipaux ne ramassent pas suffisamment.

Au Maroc, la gestion des déchets est sous la responsabilité directe des communes, or leurs moyens sont insuffisants. Les 6 camions-bennes à ordure de la ville (atteints de panne chronique en raison de leur vétusté) évacuent au meilleur de leur forme 60 % des poubelles. Ces camions déjà en mal des déchets produits quotidiennement ne s’occupent pas des points noirs existants.

La municipalité soupire après le manque de moyen. Pourtant, elle ne consacre que 9 % de son budget à la propreté, qui est sa principale mission !

Pour se débarrasser de leurs ordures, les gens y mettent le feu, ce qui dégage des fumées toxiques. Comment en outre leur reprocher de sortir leurs poubelles n’importe quand (avec les conséquences que les chiens sauvages les dispersent) alors que les employés municipaux ne respectent pas les jours de passage ?

Face à l’absence de motivation de la municipalité, il faudrait commencer par sensibiliser les élus, puis valoriser le travail des services municipaux avant de sensibiliser les gens.

L’association propose au maire de nombreuse solutions : donner des jours de ramassage pour que les gens sortent leurs poubelles uniquement à ce moment, transformer les décharges intra-muros en espace vert (déjà réalisé), imposer la construction d’un local à ordure dans tout nouvel immeuble (le maire s’est déclaré incompétent).

et zou... dans la nature !

Où se rendent les camions-bennes qui ramassent néanmoins une partie des déchets ? Soucieux de vérifier mes informations sans craindre de payer de ma personne, je les suis pour découvrir la décharge publique de Berkane.

C’est une décharge sauvage (non contrôlée) qui est en fonction depuis les années 50, alors que la population de la ville était encore minime. Elle s’éparpille aujourd’hui sur un terrain de 40 ha situé en plein périmètre urbain. Le spectacle est paraît-il édifiant les jours de grand vent : les plastiques dansent dans l’air et pleuvent sur la ville. La décharge jouxte en outre dangereusement l’oued (rivière) Cheraâ dans lequel se déversent les détritus poussés par le vent.

J’y rencontre... un troupeau de moutons. Leur propriétaire n’hésite pas à faire paître les bêtes dans la décharge : la nourriture y est abondante et variée ! Certains achètent ainsi des contenus de camion poubelle pour nourrir leur bétail (15-20 dirhams, soit 1,5-2 euros, le camion !) On imagine sans peine les répercussions sur la santé du consommateur : ingestion de métaux lourds etc.

Les causes de pollutions et de dangers d’une décharge non contrôlée sont multiples :

 pollution de la nappe phréatique par infiltration des lixiviats (eaux de pluies qui a traversé les déchets et qui s’est chargée bactériologiquement et chimiquement de substances minérales et organiques), pollution de l’oued dans lequel les détritus sont portés par la vent, pollution olfactive et visuelle pour les riverains, ...

 risques d’infection, de coupure, de toxicité, d’allergies, d’incendie, d’explosion... pour les enfants ou « orpailleurs » qui fréquentent la décharge (la décharge de Berkane recueille aussi les déchets de l’hôpital (les déchets des abattoirs sont eux enfouis dans une forêt : pollution de la nappe phréatique assurée !)),

 danger d’étouffement et d’ingestion de produits chimiques par les animaux.

L’association a poussé par ses interventions médiatiques à la construction d’une décharge contrôlée. Celle-ci est en voie de réalisation et sera opérationnelle dans quelques mois. Les déchets de l’hôpital devraient bientôt être incinérés dans une cimenterie de la région.

Outre la fin des inconvénients susmentionnés, une décharge contrôlée peut donner une nouvelle vie aux déchets convenablement triés : les déchets organiques peuvent être transformés en compost (produit comparable à l’humus, aux propriétés fertilisantes, obtenu par fermentation microbienne) et les matériaux peuvent être recyclés (c’est-à-dire réintroduit dans leur propre cycle de production).

La question des eaux usées

De la même manière qu’il n’existe pas de décharge contrôlée (il n’y en a qu’une dans tout le Maroc) il n’y a pas de station d’épuration à Berkane et les eaux usées sont rejetées directement dans l’oued Cheraâ à 6 km en aval de la ville.

Or, les eaux usées sont très polluantes dans la mesure où on y trouve de tout : des détergents, des urées (qui est un fertilisant azoté, donc composé de nitrates !), des bactéries... Rejetées dans une rivière, elles peuvent entraîner une eutrophisation, phénomène d’enrichissement en matières organiques ou en substances nutritives (nitrates, phosphates...), qui entraîne de graves perturbations dans les écosystèmes aquatiques : production en grande quantité de matière végétale, chute du taux d’oxygène dissous, mortalité massive de poissons, disparition des espèces sensibles, banalisation de la flore et de la faune...

Petit intermède fleuri

L’embouchure de l’oued Moulouya est un site situé à une vingtaine de kilomètres au nord de la ville de Berkane. C’est une zone riche en végétation aquatique qui s’étire sur 16 km environ et qui, sur 2.700 ha, abrite de multiples espèces de faune et de flore. Le site est une importante escale migratoire (201 espèces d’oiseaux migrateurs ont été répertoriées), et est le cadre de vie de 23 espèces de reptiles, dont quelques unes sont très rares. Cette biodiversité très importante a justifié le classement de l’embouchure de l’oued Moulouya comme SIBE, Site d’Intérêt Biologique et Ecologique.

Or, HORREUR, l’oued Cheraâ dans lequel les eaux sont rejetées sans traitement est un affluent de la Moulouya, laquelle se jette dans la mer Méditerranée ! (si sur une plage du sud de la France vous rencontrez un poisson avec une cravate en plastique noir, vous avez le bonjour du Maroc !)

Et maintenant

Les dépôts sauvages sont des foyers de nuisance parfois irréversibles. Le traitement des déchets est donc un enjeu à la fois local et planétaire.

L’association Homme et Environnement mène des campagnes pour pousser à des programmes d’assainissement urbain, de reboisement pour éviter l’érosion et protéger la faune, de développement des systèmes qui permettent d’économiser l’eau, de recherches scientifiques aux sujets des épidémies végétales locales, d’études sur les exploitations possibles de l’énergie solaire et renouvelable, de développement de l’éco-tourisme, de développement social.

Elle « lance un appel au personnes de bonne conscience qui aiment la nature et le Maroc en particulier et souhaite avoir une assistance d’autres associations oeuvrant dans le domaine de la lutte contre la pollution et pour la protection des espèces menacées. »